En Occitanie, l’État et les assurances privées prendont aussi en charge les dégâts sur les récoltes

Actuellement étudiée par le Parlement, une loi prévoit un nouveau système qui inclue les assurances privées mais aussi l’État, via la solidarité nationale, pour les pertes les plus exceptionnelles.

Qu’il s’agisse de coups de froid, de pluies diluviennes, de grêle ou de sécheresse, les exploitants agricoles sont de moins en moins épargnés par les effets du dérèglement climatique. On l’a particulièrement senti en avril 2021, en Occitanie, avec un coup de gel qui a frappé de nombreux viticulteurs et producteurs de fruits et légumes. Cet évènement a eu un effet déclencheur auprès des politiques qui se sont décidés à remettre à plat un système d’assurance jugé obsolète.

Un groupe de travail constitué sur le sujet autour du député Frédéric Descrozailles a rendu, le 27 juillet 2021, un rapport qui a servi de base à un projet de loi voté le 12 janvier par l’Assemblée nationale et actuellement étudié par le Sénat. Après son adoption définitive, le nouveau mode d’assurance entrera en vigueur début 2023.

L’actuel système bicéphale reposait sur le Fonds national de gestion des risques agricoles (FNGRA), né en 1964 et complété par des lois de 2006 et 2010 instaurant un système assurantiel subventionné (65 % de la cotisation financée par des fonds européens).

Depuis 2010, viticulture et grandes cultures étaient exclues du FNGRA. Ce double système n’était satisfaisant pour personne : seulement 18 % des terres couvertes contre les aléas climatiques (20 % en viticulture, 27 % en grandes cultures), un ratio de sinistralité perdant pour les assurances, des primes en hausse et jugées intenables par les exploitants, parfois amenés à ne pas faire jouer l’assurance malgré la répétition des phénomènes impactants.

Sur le fonds national, les abondements de l’état pour couvrir les sinistres devenaient quasi-systématiques. Il fallait tout remettre à plat.

Nouveau système à trois étages

Le projet débattu à l’Assemblée veut poser les fondations d’un seul système unissant agriculteurs, assurances et État. Il reste encore à fixer les seuils mais on se dirige vers une fusée à trois étages : en deçà de 20 % ou 25 % de pertes sur un épisode climatique, la totalité resterait à la charge des agriculteurs ; entre ce premier seuil et 50 %, les assurances prendraient le relais ; et au-delà de 50 %, l’État garantirait les pertes en injectant lui-même 600 M€ par an dans un fonds de solidarité nationale.

“Ce cadre nous rassure car il y a une reconnaissance forte de la puissance publique, se félicite Jérôme Despey, président de la chambre d’agriculture de l’Hérault et secrétaire général de la FNSEA. Faire appel à la solidarité nationale, c’est une première.”

Les seuils seront débattus et pourraient varier selon les secteurs : plutôt au-delà de 30 % par exemple pour l’élevage et l’arboriculture pour le seuil de coup dur.

Aides de l’État pour de la prévention

Pour la tranche de dégâts qui restera à la charge des exploitants si ceux-ci ne dépassent pas 20 à 25 % des terres cultivées, des aides de l’état et des collectivités sont prévues pour les inciter à investir dans des dispositifs de prévention (chaufferettes, tours antigel), le tout via le plan France Relance.

Le terrible coup de gel qui avait frappé l’Occitanie en avril dernier avait sinistré une bonne partie de la profession. L’État avait mis en place en août un fonds de solidarité pour les entreprises en aval des filières arboriculture et viticulture, avec un dispositif d’avance de trésorerie.

Guichet unique pour les assurances

Ce nouveau système veut aussi simplifier le mode d’assurance. “Il y aura un contrat unique offert à tous les agriculteurs, précise Jérôme Despey, et un guichet unique géré par les assureurs.” Il n’y aura pas d’obligation à s’assurer mais une forte incitation puisque les non-assurés ne seront pas indemnisés par l’état, en cas de coup dur, qu’à hauteur de 50 % des terres sinistrées contre 100 % pour les assurés. Ce qui fait bondir la Confédération paysanne.

La FNSEA regrette pourtant que le texte de loi prévoie pour l’heure un premier seuil à 25 % et non 20 %, ce qui devrait être amendé lors du passage au Sénat, la semaine prochaine. “On aimerait aussi que tous les seuils soient bien définis avant la présidentielle pour plus de sérénité, confie Jérôme Despey. Notre objectif est d’arriver à avoir 60 % des surfaces couvertes.”

Reste à faire le dos rond en 2022 en attendant ce nouveau dispositif en 2023. “Malgré les aides de l’État et de la Région après le coup dur, on s’attend à une année difficile, conclut Jérôme Despey, d’autant que la hausse de l’énergie pèse aussi sur les budgets. On espère un climat plus apaisé pour éviter les situations extrêmes.”

“Contre ce système inégalitaire”

Sébastien Persec, de la Conf’ paysanne de l’Aveyron, explique sa position.

Que vous inspire ce nouveau système ?

Nous sommes clairement contre. C’est présenté comme une avancée sociale alors que ça fait rentrer les assurances privées dans la gestion des fonds de calamité agricole. Actuellement, en cas de calamité agricole, tout le monde est indemnisé alors que dans le projet présenté, il faudra déjà souscrire une complémentaire qui est l’assurance récolte.

Pour vous, quel serait le bon système ?

Le système actuel, abondé par les paysans et qui n’exclut personne. Jusqu’à présent, quand l’État déclarait une calamité agricole, c’était pris en charge par ce fonds, amandé par assurances, agriculteurs et État. Ce nouveau système est un désengagement de l’État et même une privatisation du Fonds de calamité agricole.

Des actions sont-elles envisagées si le système est voté ?

C’est possible car au niveau de la Confédération, on se sent attaqués de toute part sur ce qu’on défend. Il y a énormément de raisons de protester contre ce gouvernement qui n’est pas favorable aux petites exploitations.

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