La sixième extinction de masse est beaucoup plus importante qu’on ne le pensait. Voici pourquoi

La Liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) recense 897 espèces éteintes depuis l’an 1500, soit 0,04 % des espèces connues de la surface de notre Terre. Mal compris par certains, ce chiffre est parfois utilisé pour nier qu’une crise de la biodiversité est en cours. Pourtant, les experts en sont persuadés. Une sixième extinction de masse a commencé. Benoît Fontaine, chercheur au Museum national d’histoire naturelle, nous présente quelques-unes des preuves sur lesquelles s’appuie aujourd’hui cette conviction. 

« Ah, quand j’étais petit, il y avait bien plus d’oiseaux dans les jardins ! » Vous aussi, vous l’avez peut-être déjà entendue, cette phrase. Dans la bouche de votre grand-mère ou dans celle de votre oncle. Peut-être même que vous l’avez déjà prononcée vous-même. « Elle est de l’ordre de l’impression. Mais elle traduit bien la réalité de ce que nous vivons », nous assure Benoît Fontaine, chercheur au Museum national d’histoire naturelle. Il est le coauteur d’un article qui confirme que notre Planète est en train de vivre les prémices d’une sixième extinction de masse.

Rappelons que, sur notre Terre, les espèces vont et viennent en quelque sorte. Des espèces apparaissent. D’autres disparaissent. Dans ce que l’on pourrait qualifier de cycle « normal » de la vie. Mais, dans l’histoire de notre Planète, les chercheurs ont déjà identifié plusieurs accidents de parcours. Plusieurs épisodes au cours desquels le taux d’extinction a littéralement explosé. L’exemple le plus récent — et probablement aussi le plus connu de tous –, c’est celui qui date d’il y a environ 65 millions d’années. Et qui se situe à la limite entre la période géologique du Crétacé et celle que l’on a longtemps appelée le Tertiaire.

Les scientifiques parlent d’ailleurs de crise du Crétacé-Tertiaire. Le jour où les dinosaures ont été rayés de la carte. Enfin… le jour… Il est peut-être bon de préciser à ce stade que l’histoire s’est tout de même jouée sur plusieurs milliers d’années. Voire dizaines de milliers d’années. Même si, à l’origine de cette crise, les chercheurs placent un événement très ponctuel : la rencontre violente entre notre Terre et une météorite.

« Certes, lorsque le dernier individu d’une espèce meurt, l’espèce en question disparaît pour ainsi dire du jour au lendemain. Mais le processus dans son ensemble reste graduel et parfois difficile à appréhender à l’échelle humaine », nous fait remarquer Benoît Fontaine. Pourtant cette fois, il semble bien qu’il n’aura pas fallu beaucoup plus qu’une génération pour constater une dégradation de la biodiversité« Ces changements sont aujourd’hui visibles à l’échelle d’une vie. Nous, nous avons voulu documenter le stade ultime de ces changements. À savoir, l’extinction. Car ce stade-là échappe encore assez largement à l’entendement commun. D’autant qu’il concerne en grande partie des espèces mal connues, invisibles et pour lesquelles nous avons généralement assez peu d’empathie, il faut le reconnaître. »

[Histoire] : Les 5 extinctions de masse dans l’histoire de la Terre.

Nota: Techniquement « Jurassic Park » aurait dû s’appeler « Cretaceous Park ». Bon, c’est vrai, c’est moins vendeur. pic.twitter.com/11WhrBDPSw

— Thomas Kerjean (@thomasjkerjean) April 25, 2020

Crise de la biodiversité et crise climatique

Un bouleversement en cours, mais dont nous avons du mal à juger de l’importance et de la gravité. Ça ne vous rappelle pas quelque chose ? « C’est comme pour le réchauffement climatique, tant que vous ne vivez pas dans la fournaise australienne, un ou deux degrés de plus, ça peut sembler tout à fait anodin. Alors même que les signaux observés sont en réalité profonds et amenés à impacter le futur de l’humanité. De la même manière, quand les insectes commencent à disparaître, cela peut paraître dérisoire. Sauf si l’on se souvient que ces espèces-là structurent tout le fonctionnement de l’écosystème. »

Ces espèces dont nous parle Benoît Fontaine, ce sont plus généralement les invertébrés. Car « si l’on veut avoir une idée de ce qui est en train de se jouer pour les populations animales, il faut aussi s’intéresser aux insectes, aux mollusques, aux araignées, aux vers. Des espèces sur lesquelles nous manquons de données. Imaginez, nous connaissons 250.000 espèces de L’ordre des coléoptères comprend plus de 350 000 espèces d’insectes, à métamorphose complète, aux pièces buccales broyeuses, aux ailes antérieures plus ou moins cornées (élytres (masculin), du grec “elutron”=…” data-more=”Lire la suite” data-number=”” data-title=”Coléoptère” data-tooltip=”” data-url=”http://www.futura-sciences.com/planete/definitions/zoologie-coleoptere-1675/” href=”http://www.futura-sciences.com/planete/definitions/zoologie-coleoptere-1675/”>coléoptères. La plupart du temps, les seules informations dont nous disposons, ce sont celles qui ont été consignées par un chercheur au moment de la découverte de l’espèce. Nous ignorons souvent tout de son écologie, de son aire de répartition, de ses exigences en termes d’habitat, et encore plus de la dynamique de sa population. »

Le déclin des populations, pourtant, est relativement simple à mesurer pour certaines espèces bien connues, en grande majorité des vertébrés, grands mammifères et oiseaux principalement. Les oiseaux communs en France ou les lions en Afrique. Les études sont nombreuses. Les moyens mobilisés sont importants. « Il y a quasiment un garde derrière chaque rhinocéros », sourit Benoît Fontaine. Mais l’extinction d’une espèce reste plus difficile à documenter.

« Si vous n’arrivez pas à observer une espèce, cela ne veut pas nécessairement dire qu’elle est éteinte. C’est peut-être simplement parce que vous n’avez pas assez bien cherché. Ou que vous n’avez pas cherché au bon endroit. » Alors oui, il y a bien quelques certitudes en la matière« Le Dodo a disparu de l’île Maurice. » Mais des doutes persistent sur pas mal d’autres. Et même s’il n’y a plus de doute raisonnable, on hésite à franchir le pas, au cas où : « Prenez l’exemple du Pic à bec d’ivoire. Voici plusieurs dizaines d’années qu’il n’a pas été observé. Pourtant il n’est toujours pas déclaré éteint. »

Comment dénombrer les extinctions ?

La Liste rouge établie par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), « un document de référence », fait ainsi état de « seulement » 897 espèces éteintes depuis l’an 1500. « Si ce chiffre représentait la totalité des extinctions, sur quelque 2 millions d’espèces connues dans le monde, on ne pourrait pas parler de crise. » Sauf à montrer, comme l’ont fait Benoît Fontaine et ses collègues, que la majorité des extinctions en cours touchent en réalité des espèces « invisibles et non référencées par la Liste de l’UICN ». Pas nécessairement parce qu’elles seraient plus fragiles. Non, tout simplement, parce qu’elles sont infiniment plus nombreuses et moins étudiées. Les vertébrés comptent en effet pour seulement 3 % des espèces sur Terre. Et les quelque 140.000 espèces recensées par la Liste rouge ne représentent qu’à peine 7 % des 2 millions d’espèces animales qui existent sur Terre.

La difficulté, c’est qu’à l’échelle de la Planète, il n’est pas possible d’opter pour une approche comptable lorsqu’il est question d’estimer réellement l’ampleur des extinctions. « Avec autant d’espèces dont on ignore presque tout. » Mais les chercheurs ont développé quelques idées pour contourner cette difficulté. « Il y a l’approche tirée de la biogéographie insulaire. Cette théorie explique que le nombre d’espèces susceptible de vivre dans un habitat est lié à la surface de cet habitat. C’est assez intuitif. »

Les modèles qui relient les superficies au nombre d’espèces ont été appliqués à l’exemple des forêts tropicales« d’importants réservoirs de biodiversité »« Ils permettent d’estimer le pourcentage d’espèces disparues à cause de la déforestation. Sans pour autant mettre de nom sur ces espèces disparues », nous précise Benoît Fontaine.

Intégrer les invertébrés au décompte

Avec ses collègues, il s’est intéressé aux mollusques terrestres. Les escargots et les limaces. Mais pas à tous les escargots et à toutes les limaces. Non. « Nous avons tiré 200 noms au hasard dans ce groupe d’invertébrés qui compte énormément d’espèces », nous explique Benoît Fontaine.

Puis les chercheurs ont écumé les collections des muséums du monde pour savoir à quel moment chacune de ces espèces a été découverte et a ensuite été collectée à nouveau au fil du temps. « Si une espèce a été collectée tous les dix ans depuis 1860 et jusqu’à aujourd’hui, vous vous dites naturellement que la probabilité pour qu’elle ait disparu est faible. En revanche, si pour une espèce vous n’avez plus de collecte depuis 1900, alors qu’elle était souvent collectée auparavant, la probabilité pour qu’elle ait disparu est bien plus élevée. »

Pour 10 % des espèces, la probabilité d’extinction est énorme

À partir de ces données, les chercheurs ont pu établir un modèle mathématique qui fournit la probabilité pour qu’une espèce de mollusque soit éteinte. « Pour quelque chose comme 10 % de notre échantillon — cela reste un ordre de grandeur, la probabilité d’extinction apparait énorme. » Un chiffre confirmé ensuite « à dire d’expert . Comprenez que les chercheurs ont interrogé des experts sur plusieurs points, sur le même échantillon d’espèces : « Avez-vous bien cherché telle espèce dernièrement ? L’avez-vous observée ? Pensez-vous qu’elle est éteinte ? »

Notez que de tels chiffres avaient déjà été avancés par les tenants de la théorie de la biogéographie insulaire — et même par d’autres chercheurs ayant opté pour d’autres approches. Ainsi, en faisant ensuite l’hypothèse que ce résultat peut être étendu à l’ensemble des invertébrés terrestres, « une hypothèse avec laquelle il faut rester prudent, mais qui tient la route », les chercheurs estiment donc aujourd’hui que 10 % des espèces d’invertébrés ont disparu de la surface de la Terre ces 500 dernières années. « C’est sans commune mesure avec les 0,04 % que l’on peut tirer de la Liste Rouge », souligne Benoît Fontaine. Il ne serait plus question que de quelque 900 espèces déjà disparues, mais bien… d’environ 200.000 !

Une crise de la biodiversité bien réelle

« Il n’y a plus de doute. La sixième extinction de masse [c’est le terme employé lorsque le taux d’extinction explose sur une période de temps courte à l’échelle géologique, ndlr] est en cours, nous répète Benoît Fontaine. Mais il n’y a pas de doute non plus sur le fait que nous avons les cartes en main pour l’arrêter. »

Il n’y a pas de doute non plus sur le fait que nous avons les cartes en main pour l’arrêter

Pourquoi un tel optimisme ? D’abord parce que l’histoire nous montre que lorsque nous mettons en place des actions de protection ciblée, elles portent leurs fruits. « Prenons le cas des baleines. En 50 ans, leurs effectifs avaient drastiquement chuté. Et il aura suffi d’un moratoire sur la chasse à la baleine pour que les courbes s’inversent et que les populations se reconstituent. » Dit comme ça, cela semble simple, en effet. Il suffirait d’identifier le facteur d’extinction puis d’agir dessus pour que la nature reprenne ses droits. Mais, dans la réalité, les choses ne sont pas aussi duales.

Au déclin d’une espèce, il y a souvent plusieurs causes interconnectées. « Ça complique un peu les choses, c’est vrai. Mais nous connaissons les solutions. Elles sont détaillées dans de nombreux travaux scientifiques, notamment le rapport de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (Ipbes) — l’équivalent du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), mais pour la biodiversité. Il ne nous reste qu’à les mettre en œuvre. » C’est l’appel lancé par Benoît Fontaine à nos dirigeants.

La sixième extinction de masse a déjà commencé

Étudier les vertébrés a toujours suscité de l’intérêt. C’est pourquoi ce sont les espèces les mieux répertoriées et qu’il est donc facile de suivre lesquelles sont en voie d’extinction. À l’inverse, les invertébrés ont été largement moins étudiés, alors que leur recensement est indispensable pour pouvoir mesurer la réelle quantité d’espèces en cours d’extinction sur Terre.

Article de Salomé Vercelot paru le 16/01/2022

Notre planète Terre a connu cinq extinctions de masse depuis les derniers 500 millions d’années. Ces crises biologiques sont brèves à l’échelle des temps géologiques et engendrent systématiquement l’anéantissement d’au moins la moitié des espèces vivantes. Les causes hypothétiques de ces extinctions sont liées à des changements climatiques (intense période glaciaire, volcanisme) et à des météorites. De nos jours, tout indique que nous sommes au seuil de la 6e extinction, qui se démarque par la différence que nous sommes les responsables de cette crise. Un des indicateurs de cette extinction est la quantité d’animaux en voie de disparition.

L’importance des invertébrés

Sur les dernières décennies, les études sur les populations d’animaux se limitaient essentiellement aux vertébrés comme les mammifères, les oiseaux, les reptiles et les amphibiens. Cela a conduit à ce que les animaux que l’on retrouve sur la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) soient principalement des vertébrés, qui sont alors les animaux les mieux étudiés et référencés.

Ceci est un problème de taille car les vertébrés représentent moins de 3 % des espèces animales vivant sur Terre et donc ne permettent pas de mesurer la réelle quantité d’espèces en cours d’extinction ou éteinte sur notre Planète. Pour obtenir des valeurs fidèles à la réalité, il est important de prendre en compte toutes les espèces d’invertébrés comme les insectes, les limaces, les méduses, les végétaux, etc.

Seulement, les études sur les invertébrés ont été longtemps mises de côté pour plusieurs raisons. Par exemple, une grande partie des invertébrés, comme les insectes, sont très petits et vivent en très grande communauté ce qui rend plus compliqué leur recensement et leur étude contrairement aux gros mammifères. On peut aussi pointer le manque d’intérêt pour les animaux de tailles petites, voire minuscules, qui a conduit à les délaisser pendant des décennies.

Quelle réelle quantité d’espèces éteintes ?

La valeur de 0,04 % d’espèces disparues sur les derniers 500 ans, évoquée par l’UICN, se révèle alors fausse car elle ne prend pas en compte l’immense variété des espèces invertébrées. La prise en compte de ces derniers dans le calcul fait passer la valeur de 0,04 % à 10 % d’espèces connues disparues (animales et végétales) soit 200 fois plus que ce qui avait été annoncé. Cela correspond à 200.000 espèces éteintes sur les derniers 500 ans, ce qui montre bien le commencement d’une 6e extinction dont l’activité humaine est la cause.

Le recensement et l’étude des invertébrés sont donc importants pour suivre l’évolution des animaux en voie d’extinction ou en devenir, et peuvent permettre de ralentir le déclin des espèces animales et végétales.

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