La capitale sénégalaise Dakar a un nouveau maire en la personne de Barthélémy Dias, un fonceur qui devra retenir ses coups contre le pouvoir pour gérer une métropole ouest-africaine aux soucis à la mesure de son expansion galopante.
A l’heure de l’investiture jeudi, Barthélémy Dias, 47 ans, n’a pas manqué d’avoir une pensée pour un de ses prédécesseurs, son mentor Khalifa Sall, dont la déchéance en 2017 des mains de la justice pourrait servir de mise en garde.
Dans la salle des délibérations bondée de l’hôtel de ville, il a proposé d’élever Khalifa Sall, arrêté en 2017 pour détournement de fonds publics et définitivement condamné en 2019 avant de bénéficier d’une grâce présidentielle, au rang de maire honoraire. Khalifa Sall, mentor de M. Dias, ainsi que ses partisans ont toujours contesté les accusations et dénoncé un complot du président Macky Sall (sans lien de parenté), pour l’écarter de la présidentielle de 2019.
M. Dias, farouche opposant du président, va lui-même au-devant d’un rendez-vous judiciaire dans lequel il voit également un coup monté du chef de l’Etat. M. Dias, 47 ans, est convoqué avec d’autres le 2 mars, au tribunal de Dakar pour un procès en appel. Il avait été condamné en 2017 à deux ans de prison dont six mois fermes, couverts par la détention provisoire. Il est accusé d’avoir abattu en 2011 un lutteur parmi des assaillants de la mairie d’arrondissement de Mermoz Sacré-Coeur, à Dakar, qu’il a dirigée de 2009 à 2022. L’audience du 2 mars est scrutée en raison des éventuelles conséquences sur son éligibilité.
M. Dias dit tenir à ce procès pour être innocenté. Mais quand le procès avait été audiencé en novembre, il avait crié à la cabale. Il était alors tête de liste aux municipales dans la capitale, pour le compte d’une coalition nationale conduite par Ousmane Sonko, autre adversaire résolu du chef de l’Etat.
Le parcours de MM. Dias et Sonko vers le tribunal avait été jalonné de heurts entre sympathisants et forces de l’ordre. MM. Dias et Sonko avaient été interpellés, puis relâchés. Le procès avait été ajourné pour la énième fois. Combatif, il est arrivé à M. Dias de forcer les barrages lors de manifestations. C’est “un bagarreur, un baroudeur”, dit à l’AFP le journaliste Momar Diongue.
M. Dias a milité au début des années 2000 au Parti socialiste, avant d’en être exclu avec Khalifa Sall en 2017 pour “violences, indiscipline et activités politiques concurrentes”. Il “symbolise l’engagement, la constance et le courage. Il s’est toujours distingué par sa loyauté et sa fidélité. Au plan social, il est d’une grande générosité”, dit Moussa Taye, un proche. Les intérêts de Dakar nécessiteraient qu’il ait de bons rapports avec l’Etat.
M. Dias, administrateur de sociétés, pur Dakarois issu d’une famille catholique d’origine capverdienne dans un pays à 95% musulman, se retrouve à la tête d’une ville en mutation rapide, avec les défis de cette transformation.
La métropole concentre sur 0,3 % du territoire la quasi-totalité des activités économiques du pays. Elle comptait quelque 400.000 habitants en 1960, et compte près de 4 millions aujourd’hui, presque le cinquième de la population nationale.
Dakar draine les investisseurs, mais aussi les pauvres à la recherche de travail. Les Dakarois sont confrontés aux encombrements malgré de nouveaux échangeurs et un train rapide flambant neuf. Ils se débattent contre les inondations pendant la saison des pluies, contre les problèmes d’assainissement, le sous-dimensionnement des équipements et des services.
M. Dias a dit jeudi vouloir “rendre Dakar propre et désengorger ses voies obstruées”, réduire son déficit en équipements sportifs et socio-culturels et moderniser ses écoles.
Pour y parvenir, la Ville dépend en partie des contributions et des plans de l’Etat. Celui-ci a concédé aux élus locaux neuf domaines de compétence dont la culture, l’environnement, la gestion des écoles, le sport et la santé.
“J’invite l’Etat à une collaboration sincère”, a dit M. Dias, “je ne suis pas à la tête de la mairie à un poste de combat contre les institutions”. Mais, a-t-il ajouté, “je m’opposerai à toute tentative que pourraient perpétrer des opposants à la libre administration des collectivités territoriales”.
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