Tess a découvert des Jupiter chaudes autour d’étoiles de type solaire en fin de vie dont les périodes orbitales sont parmi les plus courtes connues. Ces exoplanètes migrent en fait vers leurs soleils et ne devraient pas tarder à s’y engloutir à l’échelle de quelques millions d’années environ. Leur étude pourrait donner des renseignements précieux sur l’évolution des systèmes planétaires et bien sûr la fin du Système solaire.
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Le 15 janvier 2022, le célèbre site de l’Encyclopédie des planètes extrasolaires mentionnait que 4.921 exoplanètes étaient connues de l’Humanité. Ce n’est qu’un début même si l’on peut penser que l’on a déjà fait des progrès extraordinaires depuis la découverte des premières exoplanètes en orbite autour d’étoiles sur la fameuse séquence principale, en 1995 (on connaissait déjà le cas de deux exoplanètes autour d’un pulsar, PSR B1257+12, depuis 1992).
On sait que les Suisses Michel Mayor et Didier Queloz ont d’abord révélé l’existence de Jupiter chaudes, des géantes gazeuses plus proches de leurs étoiles hôtes en proportion que Mercure du Soleil. Ce fut une surprise bien que certains théoriciens de la cosmogonie planétaire avaient déjà envisagé des processus de migration tôt dans l’histoire de la formation des exoplanètes. On verra pourquoi, un peu plus loin, il a fallu postuler ces processus.
La découverte de ces astres s’est initialement faite avec la méthode des vitesses radiales (voir à ce sujet l’une des vidéos de la série du CEA ci-dessous) au sol mais les grandes moissons ont été faites essentiellement par des instruments en orbite utilisant la méthode des transits planétaires avec le satellite Kepler et aujourd’hui avec son successeur Tess (Transiting Exoplanet Survey Satellite). On s’intéresse bien sûr surtout à la découverte d’exoterres, des planètes rocheuses de taille et de masse très voisines de celles de la Terre qui seraient en orbite dans la zone d’habitabilité d’une étoile de type solaire ou d’une naine rouge. Rappelons que la question de la définition de la zone d’habitabilité n’est pas simple, pas plus qu’il soit pertinent de chasser des exoterres autour des naines rouges pour des questions d’exobiologie.
En 1995, la détection d’une exoplanète, une planète en orbite autour d’un autre Soleil, ouvre le rêve d’autres mondes à l’Univers tout entier. Combien sommes-nous de planètes habitables, voire habitées dans notre Galaxie : des milliards ou une seule ? De nouvelles techniques d’observation depuis l’espace améliorent la sensibilité. Avec le télescope spatial Kepler, le nombre d’exoplanètes explose. En 2018, on en dénombrait près de 4.000. Partez à la découverte des exoplanètes à travers notre websérie en neuf épisodes. Une playlist proposée par le CEA et l’Université Paris-Saclay dans le cadre du projet de recherche européen H2020 Exoplanets-A. © CEA Recherche
Des Jupiter chaudes pour comprendre la dynamique des systèmes planétaires
Toutefois, la découverte d’autres exoplanètes que des exoterres apporte aussi son lot de renseignements importants pour l’astrophysique et l’exobiologie et l’on se prépare également à tenter de faire aussi bien, grâce aux instruments du télescope James-Webb, des d’analyses de la composition chimique de l’atmosphère de Jupiter chaudes, comme WASP-62b, que de celles existant peut-être autour d’exoplanètes telluriques comme celles autour de Trappist 1.
La théorie nous dit, sans l’ombre d’un doute, que les géantes gazeuses ou de glace se forment à grandes distances des jeunes étoiles dans le disque protoplanétaire qui les entoure à la naissance. Les Jupiter chaudes ont donc migré et ce faisant, leur champ de gravitation a eu un impact sur le reste de la formation planétaire.
Faire des statistiques sur la composition chimique de ces astres et leur occurrence dans des systèmes planétaires nous renseigne donc sur le processus général de la cosmogonie des exoplanètes dans la Voie lactée et donc, in fine, sur les chances d’avoir des exoplanètes habitables dans notre Galaxie. Voilà de quoi préciser les paramètres de la fameuse équation de Drake pour le programme Seti notamment.
Aujourd’hui, une équipe de chercheurs a publié dans Astronomical Journal un article en accès libre sur arXiv qui annonce la découverte par Tess de trois Jupiter chaudes autour d’étoiles sous-géantes ou géantes qui se signalent par leurs courtes périodes orbitales et le destin que la mécanique céleste impose à de tels astres. Samuel Grunblatt, chercheur postdoctoral à l’American Museum of Natural History et au Flatiron Institute de New York, explique à leur sujet que « ces découvertes sont cruciales pour comprendre une nouvelle frontière dans les études sur les exoplanètes : comment les systèmes planétaires évoluent au fil du temps. Ces observations offrent de nouvelles fenêtres sur les planètes en fin de vie, avant que leurs étoiles hôtes ne les engloutissent ».
En effet, initialement débusquées comme des candidates au titre d’exoplanète dans les données de Tess, l’existence de TOI-2337b, TOI-4329b et TOI-2669b a été confirmée par les instruments de l’observatoire WM Keck au sommet du Maunakea à Hawaï. Or, il apparaît qu’elles sont condamnées à brève échéance à l’échelle du temps cosmique. Dans le cas de TOI -2337b, elle va continuer sa migration au point d’être avalée dans seulement un million d’années environ.
La fin de vie du Système solaire ?
Nous sommes donc devant des laboratoires qui pourraient nous donner des idées nouvelles sur la façon dont notre Soleil engloutira des planètes dans plusieurs milliards d’années en phase géante rouge. Certains astrophysiciens ont même émis l’hypothèse qu’à l’aube de la formation du Système solaire il pourrait avoir avalé au moins une superterre.
Ce que nous savons déjà, c’est que ces trois exoplanètes ont des masses comprises entre 0,5 et 1,7 fois la masse de Jupiter et des tailles allant d’un peu plus petite à plus de 1,6 fois la taille de Jupiter. Elles couvrent également une large gamme de densités, allant de celle de la mousse de polystyrène à celle trois fois plus élevée que l’eau, ce qui implique une grande variété d’origines et donc, comme on l’a dit, des indices précieux pour la cosmogonie planétaire dans la Voie lactée.
Ce que nous savons aussi, c’est que comme dans le cas de la Jupiter chaude découverte en 1995, 51 Pegasi b, elles tournent autour d’étoiles de type solaire déjà âgées de plusieurs milliards d’années et que selon un autre des auteurs de la découverte, Nick Saunders, il faut s’attendre « à trouver des dizaines à des centaines de ces systèmes planétaires en transit évolués avec Tess, fournissant de nouveaux détails sur la façon dont les planètes interagissent les unes avec les autres, se gonflent et migrent autour des étoiles, y compris celles comme notre Soleil ». Son collègue et coauteur Daniel Huber précise que « les observations de Keck sur ces systèmes planétaires sont essentielles pour comprendre leurs origines, aidant à révéler le sort de systèmes solaires comme le nôtre ».
Les méthodes de détection des exoplanètes se sont largement diversifiées depuis les années 1990. Elles peuvent se classer en deux grandes catégories, les méthodes directes et les méthodes indirectes. Les trois méthodes principales sont la méthode directe d’imagerie, la méthode indirecte du transit et la méthode indirecte de la vitesse radiale. © CEA Recherche
Si en effet, comme on l’a dit, Tess a d’abord débusqué ces planètes par une méthode photométrique donnant le rayon et la période orbitale de ces planètes, il a fallu une confirmation de leur existence par spectroscopie, via le spectromètre à haute résolution Hires qui a permis d’utiliser la méthode des vitesses radiales et de fixer la masse, et donc la densité de ces astres.
Les planétologues ont des raisons de penser que la grande variété de densités trouvées suggère que ces systèmes planétaires ont été façonnés par des interactions chaotiques entre des exoplanètes. En effet, les modèles développés avec la mécanique céleste pour rendre compte de tels systèmes non seulement impliquent que les planètes géantes devraient se diriger vers leurs étoiles hôtes à mesure que les étoiles évoluent avec le temps, en particulier dans les 10 derniers pourcents de la durée de vie de l’étoile, mais aussi que cette évolution stellaire, par perte de masse ou gonflement, peut conduire à un rapprochement des orbites des planètes autour de l’étoile hôte, augmentant la probabilité que certaines d’entre elles entrent en collision.
Comme l’explique le communiqué de l’Observatoire Keck, TOI-4329 – en particulier – est intéressante. Comme toutes les exoplanètes qui peuvent tomber dans le filet tendu par Tess, elle doit se trouver dans une sphère de 200 années-lumière de rayon tout au plus. Cela veut dire que son atmosphère est analysable, partiellement du moins, avec le télescope spatial James-Webb qui pourrait y révéler la présence d’eau ou de dioxyde de carbone, et plus généralement des données qui fourniraient des contraintes sur l’endroit où ces planètes se sont formées et sur les interactions qui ont dû se produire sur les orbites planétaires que nous voyons aujourd’hui.
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