Homo sapiens et Néandertal se sont croisés plus tôt en Europe !

Des traces de l’Homme moderne datant de 54.000 ans ont été mises au jour à la grotte Mandrin dans la vallée du Rhône. L’étude de petites pointes triangulaires en silex et la détermination de morphologies dentaires singulières ont démontré que la toute première migration d’Homo sapiens sur le continent européen a eu lieu quelque 10.000 ans plus tôt qu’on ne le pensait. L’équipe de recherche, qui publie cette découverte dans Sciences Advances, révèle un autre fait : le site a abrité successivement l’Homme de Néandertal et l’Homme moderne. 

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The Conversation

Nous venons d’annoncer, dans la revue Science Advances, la découverte des premières traces de l’arrivée des Hommes modernes en Europe il y a 54.000 ans à la grotte Mandrin, soit environ 10 millénaires avant ce que l’on pensait jusqu’alors et 1.700 kilomètres à l’ouest du site bulgare de Bacho Kiro précédemment considéré comme la plus ancienne occupation humaine moderne d’Europe. Nous voici désormais loin à l’ouest, dans l’immense vallée du Rhône…

Perché à environ 100 mètres d’altitude à l’ouest des contreforts des Préalpes, un abri sous roche fait face au nord et domine la vallée du Rhône. Ce lieu est stratégique dans le paysage, car le Rhône s’écoule à cet endroit dans un couloir d’environ un kilomètre entre les Préalpes à l’est et le massif central à l’ouest. Pendant des millénaires, les habitants de cet abri ont pu scruter les hordes d’animaux migrant entre la région méditerranéenne et les plaines d’Europe du Nord. Aujourd’hui, ce sont les TGV et lors des pics estivaux près de 180.000 véhicules par jour qui parcourent la vallée du Rhône sur l’une des autoroutes les plus empruntées du continent.

Le site, reconnu depuis les années 1960 et nommé Mandrin d’après le brigand Louis Mandrin, a été un lieu de vie privilégié depuis plus de 100.000 ans.

Les outils en pierre taillée et les ossements d’animaux laissés par les chasseurs-cueilleurs par le passé ont été rapidement recouverts par les loess, ces poussières déposées par le vent glacial venu du nord, le Mistral, préservant ainsi ces éléments. Les couches de sédiments supérieures contiennent du matériel datant de l’âge du Bronze et du Néolithique il y a 4 à 5 millénaires.

Depuis 32 ans, notre équipe de chercheurs menée par Ludovic Slimak (CNRS) a fouillé près de trois mètres de dépôts sédimentaires qui fossilisent sur 80 millénaires les passages de chasseurs du Paléolithique entre le 100e et le 40e millénaire. Les Hommes modernes avaient alors vraisemblablement commencé leur conquête de l’Europe il y a 43.000 à 45.000 ans, les Néandertaliens et les autres populations fossiles d’Eurasie disparaissant quelques millénaires plus tard. Ce scénario sur l’évolution humaine en Europe est établi depuis des décennies.

Mais en plein milieu de ces enregistrements archéologiques, intercalée entre 11 autres niveaux contenant des milliers d’outils de silex et des fossiles néandertaliens, une couche de la grotte Mandrin fossilise une incursion très ancienne d’un groupe d’Hommes modernes au cœur même des territoires néandertaliens.

Des indices provenant de petites pointes de pierre et d’une dent

Durant la première décennie de fouilles du site, le premier signal intrigant fut la découverte de 1.500 petites pointes triangulaires en silex, ressemblant à des pointes de flèches, dont certaines mesuraient moins d’un centimètre de longueur, et inconnues ailleurs, tant dans les riches enregistrements archéologiques de la grotte Mandrin que dans les autres sites néandertaliens recensés à travers l’Eurasie.

Qui les a produites ? L’étude d’assemblages d’outils en pierre de quelques autres gisements de la moyenne vallée du Rhône montre que ces pointes sont attestées dans quatre autres sites sur la rive opposée du fleuve. Cependant, ces gisements ont été fouillés il y a longtemps, à la pioche, et les informations qu’ils fournissent s’avèrent très limitées, notamment pour comprendre si ces pointes sont présentes sur une longue période de temps, ou si elles apparaissent là aussi de manière abrupte, et donc si les Néandertaliens avaient développé ces étonnantes technologies. Cette culture fut alors individualisée dès 2004 et dénommée « Néronien », d’après la grotte de Néron où de petites pointes similaires avaient été découvertes dès 1870.

En l’absence d’autres sites locaux comparables, Laure Metz et Ludovic Slimak partirent en 2016 étudier certains gisements archéologiques de l’est de la Méditerranée. L’un des plus importants, le site de Ksar Akil près de Beyrouth, allait nous révéler des collections archéologiques en tout point identiques aux étonnantes collections du Néronien.

Les petites pointes de la vallée du Rhône n’étaient plus isolées, mais pouvaient désormais se rattacher très directement à ces collections levantines où les mêmes catégories de pointes étaient réalisées très précisément suivant les mêmes traditions techniques que celles de la grotte Mandrin. Cette étonnante constatation allait permettre de proposer dès 2017, alors à titre d’hypothèse, que le Néronien n’était probablement pas le produit d’artisanats néandertaliens, mais bien de populations modernes issues du Levant méditerranéen et arrivées en Europe bien plus tôt qu’on ne le pensait.

À cette époque l’analyse directe des collections de Ksar Akil et leur comparaison avec celles de la grotte Mandrin nous permettait déjà de dire qu’elles « …illustrent une stricte réplication des systèmes ; les systèmes techniques du Néronien à l’ouest de la Méditerranée sont semblables à ceux documentés au début de ce que l’on reconnaît sous l’appellation d’Initial Upper Paleolithic dans l’est de la Méditerranée » permettant de proposer, il y a cinq ans déjà, leur attribution à l’Homme moderne.

La pièce finale de ce vaste puzzle anthropologique et culturel n’arriva que plus tard, en 2018, lorsque les neuf dents retrouvées en 32 ans de recherche furent analysées par microtomographie à rayons X, permettant la caractérisation détaillée de la structure externe et interne de cette dent. L’analyse du seul reste humain du niveau étudié de Mandrin, une dent de lait d’un enfant âgé entre 2 et 6 ans, permit de démontrer, sans aucun doute possible, qu’elle appartenait à un Homme moderne du Pléistocène et non à un Néandertalien.

La démonstration de notre étude s’est construite sur ce croisement de connaissances issues de domaines scientifiques très différents et qui aboutissent tous, de manière indépendante, aux mêmes conclusions.

C’est sur la base à la fois de l’analyse des structures techniques de ces artisanats, d’approches comparatives transméditerranéennes très précises, et de la détermination de morphologies dentaires singulières que la toute première migration des Hommes modernes sur le continent européen a pu être démontrée.

Lire dans le passé avec des traces de feu

Mais les découvertes à Mandrin ne s’arrêtent pas là. En 2006, Ludovic Slimak repère d’étonnants dépôts grisés sur des fragments de paroi tombés dans l’ensemble des couches archéologiques. Une nouvelle enquête commence. À travers le temps la paroi de la grotte s’est lentement effritée, produisant des épandages de cailloutis progressivement ensevelis avec les milliers d’objets archéologiques abandonnés par les préhistoriques. Il nous aura donc fallu 16 ans pour prendre conscience que ces cailloutis avaient préservé la trace des dépôts de suie des anciennes parois de la grotte. À chaque campement dans la cavité, les parois se noircissaient de suies. Et ces suies se recouvraient rapidement de calcite au départ des Hommes, générant des successions de dépôts noirâtres (suies) et blanchâtres (calcite) créant un véritable code-barres sur la paroi de la grotte et un témoignage unique de la succession des installations humaines dans la cavité. L’un des membres de l’équipe, Ségolène Vandevelde, mettra alors en place les outils permettant de déterminer la fréquence et le rythme des feux fossilisés dans ces témoins pariétaux et dans lesquels se profilent l’organisation de ces sociétés à travers le temps. L’analyse de ces dépôts successifs allait aussi permettre de déterminer qu’une seule année s’était écoulée entre le dernier feu néandertalien et le premier feu des Hommes modernes, il y a 54.000 ans. Et ce n’est qu’après avoir occupé le site pendant une quarantaine d’années, une vie humaine, que les Hommes modernes allaient abandonner soudainement la grotte Mandrin, disparaissant aussi rapidement et aussi mystérieusement qu’ils y étaient arrivés. Par la suite, et durant 12 millénaires, ne reviendront plus à Mandrin que des chasseurs néandertaliens.

Ces découvertes fascinantes nous interrogent profondément

Comment ces populations modernes sont-elles arrivées si précocement dans l’Ouest de l’Europe ? Les données archéologiques montrent que les humains sont arrivés en Australie il y a au moins 65.000 ans et ont nécessairement dû utiliser des moyens de navigation pour traverser l’océan. Les Hommes de Mandrin se seraient-ils eux aussi déplacés par voie maritime il y a 54.000 ans ?

Et par la suite, comment ces populations ont-elles acquises en si peu de temps une connaissance aussi précise de l’ensemble des ressources naturelles, silex et roches rares, du vaste territoire qu’elles ont exploité autour de la cavité pendant 40 années ? Étaient-elles en contact avec des populations aborigènes néandertaliennes avec qui elles auraient échangé des informations ou qui auraient pu les guider, partageant leurs connaissances millénaires du territoire ? Ces populations se sont-elles évitées ? Ou ont-elles essayé de se métisser aux populations locales ?

Les découvertes à venir de la grotte Mandrin pourraient apporter des réponses à certaines de ces questions et pourraient bien nous éclairer, un peu, sur ce que représenta réellement cette colonisation de l’Europe et la remarquable incidence de ce fait historique majeur sur le destin des populations néandertaliennes.

Homo sapiens et Néandertal se sont croisés plus tôt en Europe !

S’ils ont été contemporains et se sont hybridés, les liens culturels entre H. sapiens et H. neanderthalensis demeurent parcellaires. Une récente étude fait part de la découverte d’une grotte française dans laquelle des représentants de ces deux espèces se seraient, sinon côtoyées, du moins succédé à plusieurs reprises.

Article de Fidji Berio, publié le 12 février 2022

Comment savoir quelles ont été les migrations humaines au cours de la Préhistoire ? Il s’agit de retracer la chronologie des déplacements grâce à la datation, absolue ou relative, de restes archéologiques et humains identifiés sur différents sites. Ces dernières années, la réhabilitation d’Homo neanderthalensis en tant qu’espèce humaine intelligente et aux comportements et cultures complexes a permis de susciter l’engouement du grand public pour ce cousin et contemporain d’Homo sapiens.

Parmi les questions qui agitent encore la communauté scientifique figurent notamment celles des échanges, culturels mais également génétiques qui ont pu exister entre H. sapiens et H. neanderthalensis avant que cette dernière espèce ne disparaisse définitivement de la surface du Globe. Une récente étude parue dans le journal Science Advances rapporte la découverte de traces d’H. sapiens contemporaines de celles d’H. neanderthalensis en France et prouve donc l’arrivée de l’Homme moderne en Europe bien plus tôt que ce qui avait été publié jusqu’alors.

Une succession d’occupations

Dans cette étude, les auteurs rapportent que H. sapiens est apparu en Afrique il y a plus de 300.000 ans, que ses traces ont ensuite été trouvées en Israël (il y a entre 194.000 et 177.000 ans), en Asie de l’Est (il y a 80.000 ans) et en Australie (il y a 65.000 ans). L’arrivée d’H. sapiens est plus tardive, probablement en raison de la présence de Néandertal ou de barrières écologiques dans cette région. Des traces d’H. sapiens ont donc été trouvées en Italie et en Bulgarie entre il y a 45.000 et 43.000 ans.

L’arrivée d’H. sapiens est plus tardive, probablement en raison de la présence de Néandertal ou de barrières écologiques

De plus, des restes de Néandertal et de leur technologie moustérienne en Europe remontent respectivement à il y a entre 42.000 et 40.000 ans et entre 41.000 et 39.000 ans. Or, les auteurs de l’étude parue dans Science Advances rapportent la découverte de restes d’Hommes modernes dans la grotte de Mandrin, près de la commune de Malataverne, dans le sud de la France. Ces restes consistent en des fragments dentaires ou en des dents entières et appartiennent au moins à sept individus différents et sont répartis sur des couches distinctes.

L’analyse de forme des couronnes dentaires ainsi que des technologies permet de déterminer que H. neanderthalensis a été remplacé dans la grotte Mandrin par H. sapiens il y a environ 54.000 ans.

Néandertal a ensuite réoccupé la grotte il y a 51.700 ans jusqu’à un retour de l’Homme moderne, entre il y a 44.100 ans et 41.500 ans. Cette étude montre par conséquent que Néandertal et l’Homme moderne ont occupé successivement la même grotte et que le milieu de la Vallée du Rhône était un important couloir naturel de déplacements entre le bassin méditerranéen et l’Europe du Nord. Les auteurs ont par ailleurs daté des restes d’H. sapiens entre 56.800 et 51.700 ans, soit plus de 10.000 ans avant ce qui avait été estimé jusqu’alors. L’alternance des occupations de la grotte par les deux espèces montre de plus que la disparition de Néandertal en Europe s’est donc produite plus de 10.000 ans après l’arrivée d’H. sapiens dans la région.

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