« L’automatisation des opérations par drone est un élément clé de son adoption par les industriels », pointe Nicolas Billecocq, directeur général d’Azur Drone

Industrie & Technologies : Azur Drones a  réalisé la semaine dernière une levée de fonds 8 millions d’euros auprès d’un investisseur privé. Quels axes de développement cet investissement va-t-il soutenir ?

Nicolas Billecocq : La réussite de cette nouvelle levée de fonds, qui porte à près de 38 millions d’euros le total levé par Azure Drones depuis 2016, témoigne de l’intérêt des industriels pour les solutions de surveillance et d’inspection des sites par drones. Cet apport financier va nous permettre de renforcer notre présence à l’international, sur des sites industriels sensibles européens, comme au Danemark, en Allemagne et aux Pays-Bas, et également au Moyen-Orient, où nous avons une demande de plus en plus forte.

Le second volet de notre développement concerne la diversification des capteurs que nous voulons mettre à la disposition de nos clients. Depuis le début d’Azur Drones, nous proposons naturellement des systèmes de surveillance optique. Nous voulons désormais diversifier les services offerts par drones au moyen de capteurs plus ciblés, comme la mesure de la radioactivité pour l’inspection des sites nucléaires ou encore la captation de données environnementales.

Contrairement à de nombreux autres fabricants de drones, vous avez ciblé très tôt le marché industriel. Pourquoi cela ?

Notre technologie est intimement liée aux besoins du secteur industriel. Notre ambition, dès le début, était de proposer un drone pouvant être déployé sans formation préalable de télépilote. Avec notre système Skeyetech, l’acquisition de données est entièrement automatisée et fonctionne sans interruption. Après sa mission, il vient se reposer sur sa base. Aucune intervention humaine n’est nécessaire. Cela permet de répondre à deux besoins essentiels pour les industriels : la permanence et la récurrence de la collecte de données.

Selon nous, l’automatisation des opérations par drone est un élément clé de son adoption par les industriels. Certains clients font voler notre système 15 à 20 fois par jour. Cela permet de cumuler des données qui peuvent être facilement analysées. Plus que de la simple surveillance ou de la levée de doute, notre drone permet de vérifier la conformité du site à certaines exigences, comme les engagements en matière environnemental de l’industriel par exemple.

Comment fonctionnent vos drones ?

Les drones sont disposés sur le site industriel dans des boitiers qui les protègent des intempéries et servent également de stations de recharge. Ils montent relativement haut au-dessus du site à inspecter afin d’avoir une vision d’ensemble. Une intelligence artificielle que nous avons développée permet une navigation sur le site en toute sécurité à partir des données télémétriques enregistrées par le drone et des informations fournies par une station météo. Les communications se font sans latence. Une fois sa mission accomplie, le drone retourne de lui-même sur sa base. Nous sommes en partenariat avec des sociétés spécialisées dans le traitement des données pour offrir des solutions clé en main aux industriels.

Existent-ils des verrous qui freinent l’adoption de votre technologie ?

Technologiquement, non. Les verrous qui peuvent exister sont surtout d’ordre réglementaire. Notre drone entre dans une catégorie particulière que l’on nomme le vol BVLOS (beyond visual line of sight). En France, la DGAC (Direction générale de l’aviation civile) est assez précurseur dans ce domaine et nous possédons depuis 2019 une réglementation assez flexible dans ce domaine, en ce concerne certains sites.

Aux Etats-Unis, en revanche, la FAA (Federal Aviation Administration) impose une réglementation nettement plus drastique qui nous ferme, pour le moment, ce marché. Cela dit, nous nous attendons à un prochain durcissement de la réglementation française et européenne : comme pour toute technologie nouvelle, nous partons d’une réglementation très générale qui sera ajustée au fur et à mesure. Nous restons donc en veille par rapport à ces changements pour nous adapter le plus rapidement possible.

Quelle est la place de la France sur le marché des drones ?

La France est aujourd’hui bien positionnée dans le domaine des drones pour le secteur industriel. En ce qui concerne le vol autonome, nos concurrents se situent principalement du côté des Etats-Unis ou d’Israël. Nous sommes au tout début du déploiement de cette technologie pour le secteur industriel. Nous devons donc rester dans la course à l’innovation.